La CIA et la torture, un rapport explosif

La CIA et la torture, un rapport explosif

L'utilisation par la CIA de la torture après le 11 septembre 2001 fait l'objet d'un rapport qui doit être rendu public par le Sénat ce mardi 9 décembre. Rédigé par la commission du Sénat chargée du renseignement au terme d'une enquête lancée en 2009, ce rapport était attendu depuis plusieurs mois. Ce qui sera rendu public n'est qu'un résumé du contenu d'un document de 6 000 pages et de plus de 35 000 notes de bas de page.
Un brouillon avait été remis en 2012 au Sénat mais la CIA avait alors demandé à lancer sa propre enquête interne, soulignant les nombreuses erreurs du rapport établi par le Sénat. La réponse de la CIA a été d'ailleurs incluse dans le document final, explique The Washington Post.
Le chroniqueur conservateur Michael Gerson qualifie dans leWashington Post la publication de ce rapport "au milieu d'une guerre qui vise de nombreux Américains toujours impliqués" dans les combats, comme "un acte exceptionnel d'insouciance de la part du Sénat". A ses yeux, cette publication n'a qu'un seul objectif : permettre aux démocrates de se dédouaner. "Les démocrates qui ont approuvé à l'époque ces méthodes d'interrogatoire musclées doivent maintenant construire une fiction selon laquelle ils n'avaient pas donné leur soutien et ne connaissaient rien à cette question." Ils créent ainsi "une nouvelle réalité selon laquelle ils seraient innocents et auraient été trompés" .
Des méthodes sans résultats
La commission du Sénat, dirigée par la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein, a commencé à s'intéresser au programme de tortures de la CIA à la suite des révélations en 2007 de la destruction des vidéos montrant les détenus subissant le "supplice de la baignoire" – ou simulation de noyade –, une méthode de torture qui consiste à bloquer les voies respiratoires du détenu par un linge mouillé régulièrement aspergé.
Deux ans plus tard, détaille The Washington Post, dans un autre article consacré au même sujet, la commission du Sénat a lancé une enquête officielle sur ce programme. Si les élus républicains ont dans un premier temps soutenu l'initiative, ils se sont par la suite retirés de l'enquête.
Le Washington Post s'interroge pour savoir si les méthodes d'interrogatoire musclées ont permi d'obtenir des informations qui ont conduit à Oussama Ben Laden. Et la réponse est en demi-teinte, puisque certains détenus ont parlé avant même d'être torturés alors que d'autres ont fourni de fausses informations, sous la torture.
Les avocats du ministère de la Justice avaient conclu que les techniques autorisées par la CIA dont la possibilité de gifler les détenus, la privation de sommeil ou la simulation de noyade "ne pouvaient être assimilées" à de la torture. Après sa prise de fonction en janvier 2009, le président Barack Obama avait interdit le recours à ces techniques, les qualifiant de torture.
Faut-il absoudre les responsables de la torture ?
Mais aucune poursuite n'a été engagée alors que la loi américaine interdit le recours à la torture. Et pour cause, en 2012, le ministre de la Justice, Eric Holder, avait annoncé qu'aucune charge ne pourrait être retenue contre les membres de la CIA ayant effectué des actes de torture.
Une impunité qui fait dire à Anthony Romero, le directeur de l'American Civil Liberties Union, principale organisation de défense des libertés civiles américaine et qui demande depuis treize ans des poursuites judiciaires pour ces crimes, que Barack Obama doit officiellement absoudre les responsables de cette politique.
"Reconnaître que les plus hautes personnalités de l'Etat ont autorisé des conduites qui violent les lois fondamentales" permettrait de tourner la page et "serait un signal à ceux qui, dans le futur, envisageraient le recours à la torture", plaide Anthony Romero dans The New York Times.
Dans la liste des personnalités à absoudre, Anthony Romero nomme notamment l'ancien président George W. Bush, l'ancien vice-président Dick Cheney pour avoir supervisé l'ensemble du programme, mais aussi l'ancien directeur de la CIA Georges Tenet pour avoir autorisé la torture dans les prisons secrètes de la CIA, ainsi que l'ancien ministre de la Défense Donald Rumsfeld pour avoir donné le feu vert à l'utilisation de la torture dans la prison de Guantanamo Bay.
Mais le militant des droits de l'homme reconnaît que le spectacle du président Obama pardonnant les bourreaux "lui retournerait l'estomac".

http://www.courrierinternational.com/article/2014/12/09/la-cia-et-la-torture-un-rapport-explosif?utm_campaign=&utm_medium=email&utm_source=Courrier+international+au+quotidien

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